Marie-Josée Christien

Née en 1957, Marie-Josée Christien vit en Finistère.

Temps morts, éd. Sauvages, 2014.

« Je m’immobilise / pour ne pas détruire / la folie minutieuse des atomes ».
Ces poèmes de peu de mots témoignent de ce présent qui advient lorsque l’autrice cesse de céder aux élans compulsifs qui nous habitent tous, prenant le temps de voir passer le temps dans le glissement des gouttes de pluie sur une vitre, dans la patience de la lumière qui s’efface, dans les sonorités du silence (« La nuit enfouie / hulule / sous nos paupières »). Attentive à ces « tremblements / qui vacillent dedans », elle laisse cette partie d’elle-même qui la contraint à la hâte et se met à l’écoute d’une autre voix en elle qui n’est plus la sienne.
Dans « l’illusion de façonner le monde », dans l’ignorance de notre devenir on ne s’habitue pas à notre impermanence et « Tant de vie / se tait en nous ». Marie-Josée Christien, faisant confiance au poème, « laisse aux mots / le soin de veiller » et « Le chemin / se poursuit / fugitif », sans « détruire / la folie minutieuse des atomes ».

Marie-Josée Christien, Temps morts, éd. Sauvages, 2014.

Jean-Christophe Ribeyre

Né en 1974, Jean-Christophe Ribeyre vit en Ardèche.

La relève, L’Ail des ours, 2022.

« Je voudrais habiter / l’imprévu, / ce temps choisi / de lenteur, ce temps de sève / qui ne se gagne pas, / ne se perd pas, / celui, simplement, / qui met au monde. »
Ce poème ouvre un texte en forme de supplique rythmé par le conditionnel « je voudrais », qui questionne l’être au monde et la relation aux mots. L’imprévu ne peut se vouloir et le paradoxe habitera l’ouvrage comme un déchirement, une blessure, « la blessure d’espérer ». L’écriture est un fil tendu entre vivre et nommer qui expose le poète: « peut-être (les mots) finissent-ils toujours / par dire cette absence / de soi à soi / et au monde ».
Sur les dernières pages survient l’injonction « il faut que » (« Avec le murier à qui j’ai apporté de l’eau / […] / il faut que je m’entende, / c’est à dire que je m’efface »), une conduite à tenir pour abandonner ce « Je » dont il est écrit justement qu’il est à la fois « l’oppresseur et la proie » — l’oppresseur étant aussi celui qui déclare « il faut ».
À la question posée « Quel abri, / quel secours / attendre? », la réponse est dans le poème seul où se vit dans l’énonciation « la rêverie simple d’être au monde ».
« Le vacillement des ombelles. / La caresse des prés. / La simplicité d’un ciel / épris d’oiseaux. / Vivre parfois est cette traversée. »

Jean-Christophe Ribeyre, La relève, L’Ail des ours, 2022.

Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est aussi lectrice et conceptrice de lectures musicales.

Les lits du monde, éd. la rumeur libre, 2021.

« Écrire un livre encore inconnu / Un livre que je n’ai pas décidé // Écrire un livre sans nom / Venu de loin, par de lents détours, me visiter ».
Ainsi débute ce livre que j’ai en main, écrit comme à l’insu de son autrice, promesse de l’aventure qu’elle sera pour elle comme pour moi son lecteur. Aventure intime, aventure initiatique (« J’ai dormi dans tant de lits / J’ai emprunté tant de chemins pour arriver jusqu’à moi ») qui débute dans un grenier où Catherine Pont-Humbert retrouve les poèmes qu’elle écrivait dans sa jeunesse, « Heureux temps d’un temps qui s’ignore ». Éclairée par « Cette part d’enfance intacte », elle revient sur un parcours de vie fait de départs (« La maison que je n’ai pas eue / Je l’ai cherchée au loin »), de fuites, de retours, d’amour, de rencontres, de rêves, de sommeils partagés ou non dans de nombreux lits. Le fil de l’écriture qui rassemble des « sédiments d’instants » s’applique à « Ravauder le vide ».
« Les mots s’ouvrent un à un / Se déploient rouges et humides » et la voix qui les chante abrite le secret d’ « Un vaste lieu qui n’a pas de nom / Qui reste à nommer ».

Catherine Pont-Humbert, Les lits du monde, éd. la rumeur libre, 2021.